Lc 7, 36-8,3
Qui aimera le plus ?
Par le Père Pierre ABRY,
Mise en scène pour le moins provocante : Simon, pharisien de bonne réputation ; Jésus, invité d’une discussion entre rabbis de haut niveau ; enfin, une femme de mauvaise réputation, qui s’invite dans ce cercle masculin, débordante de manifestations d’amour déconcertantes, voire déplacées envers Jésus. La situation dévoile le regard et le cœur de chacun.
Simon, perplexe et intrigué depuis la résurrection du fils de la veuve de Naïm, a invité Jésus pour en avoir le cœur net sur ce rabbi, dont tous parlent. Il a rapidement jaugé un personnage ignare : « S’il était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et qu’elle est une pécheresse. » Il repousserait l’infiltrée, plutôt que de se laisser toucher par une courtisane ! Une brève parabole renverse ce savoir trompeur qui porte au jugement.
« Celui à qui on remet peu montre peu d’amour ! » C’est bien l’amour qui est en question ! On pourrait paraphraser : « Simon, ta curiosité te conduit à m’inviter, mais sans même m’honorer selon les rites qui sont pourtant les tiens, versant l’eau sur mes pieds, l’huile sur ma tête et me donnant le baiser de paix ! Installé dans ta justice, tu es disposé à discuter religion, mais au fond, tu ne m’aimes pas. L’amour au contraire a poussé cette femme à s’inviter par delà les convenances, à m’honorer, selon les manières qui sont les siennes, lavant mes pieds de ses larmes, les essuyant de ses cheveux, y versant le parfum précieux de son amour. » « En vérité je vous le dis, les publicains et les prostituées arrivent avant vous au Royaume de Dieu. » (Mt 21,31) La plaie du péché les rend vulnérables à la miséricorde de Dieu, alors que la suffisance des bien-pensants ne lui offre que peu d’accroche. Cependant, bien souvent aujourd’hui, le pécheur tient le discours du bien-pensant.
Ce dimanche encore, tu es convié à un repas où Jésus sera présent lui aussi. Y viendras-tu en pécheur aimant parce qu’aimé ou en pharisien suffisant ? Y viendras-tu pour un colloque spirituel « de haut niveau » avec un dieu que tu invites dans ton église, bâtie de tes mains, ou comme une âme pauvre, pécheresse, prostituée aux choses de ce monde qui a un besoin vital d’être sauvée, aimée et pardonnée pour aimer en retour ? « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux. » (Mt 5,20) Accueillir, dans la pauvreté de nos vies, la miséricorde du Père présente en Jésus, c’est entrer dès aujourd’hui dans le Royaume.