Jn 11, 1-45
Béthanie ecclésiale
Par le Père Pierre ABRY,
Curieuse maisonnée, que celle de Béthanie, « maison du pauvre » : ni père, ni mère, ni enfants, mais deux sœurs et un frère, image de la communauté ecclésiale où l’on vit en frères et sœurs. Les Marthes s’y agitent en choses à faire ; les Maries y sont à l’écoute de la parole du Seigneur ; l’homme, Lazare, y est souvent minoritaire… Et comme à Béthanie, on s’y fait des reproches, on juge, le Seigneur et le frère : « Cela ne te fait rien que ma sœur me laisse servir toute seule ? Dis-lui donc de m’aider. » (Cf Lc 10,40) A Béthanie comme chez nous, on tombe malade et on meurt.
Lazare est mort et au tombeau depuis quatre jours déjà. Lorsque Jésus arrive à Béthanie, le reproche, formulé à l’identique par les deux sœurs, vole sa rencontre : « Si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Lorsque souffrance et mort se présentent dans nos vies, comme pour Israël durant son exode par un désert inhospitalier, toujours surgit en nous la question : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? » (Ex 17,7) Cependant, la supplication confiante est présente, elle aussi, au cœur des détresses : « Maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. »
La maladie de Lazare, « ne mène pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu : afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle », En lui se manifeste une résurrection dès cette vie, dans cette vie, pour la vivre autrement, avant même la « résurrection au dernier jour ». De fait, Lazare revient à la vie, plus qu’il ne ressuscite.
Dans la Béthanie ecclésiale, la maladie du péché fait aussi son œuvre de mort. Des choses « sentent » déjà ou encore, depuis bien plus de quatre jours, enfouies sous de grosses pierres. Rupture avec Dieu et le frère, le péché est une réelle mort, mort de la vie de l’Esprit en nous, mort de Dieu en nous. Si le Christ est mort pour nos péchés et de nos péchés, sa résurrection est pardon du péché. Mais en conséquence aussi, le pardon reçu de Dieu et la réconciliation avec le frère sont déjà une réelle résurrection, dès cette vie.
« Enlevez la pierre ! Lazare, sors ! Déliez-le et laissez-le aller ! » Laissons-le Seigneur ôter notre cœur de pierre et nous donner un cœur de chair (Ez 36,26). Laissons sa parole nous appeler à sortir de nos tombeaux dans un nouvel exode. Laissons-le délier, dans le sacrement de son pardon, nos pieds liés de bandelettes, incapables d’aller vers l’autre, nos mains de se tendre vers le frère, nos visages recouverts de suaires. Alors la Pâque du Christ deviendra notre Pâque, passage à une vie nouvelle.