Mc 6, 30-34
Hypotension missionnaire
Par le Père Pierre Abry,
Le Christ envoie les Douze en mission, deux à deux, annoncer la venue du Royaume. Au retour, « ils se réunissent auprès de Jésus, rapportant tout ce qu’ils ont fait et enseigné. » Autour du Christ, comme en prolongement de son corps personnel, apparaît déjà un corps ecclésial, apostolique, figure de l’Église de Pentecôte qui naîtra de la Pâque. Le cœur de ce corps ecclésial naissant bat déjà au rythme de l’Esprit, comme celui du Christ. La systole, la contraction du cœur envoie le sang irriguer de sa vie l’organisme entier, avant de retourner au cœur, en diastole : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger. » Mais les gens devancent la barque apostolique, et le lieu désert se mue en agora. « Jésus fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. » Même au repos, son cœur est serré, remué aux entrailles. « Alors, il se mit à les enseigner longuement. » Ses seules diastoles sont arrachées à la nuit (Mt 14,23) ou devancent le jour (Mc 1,35). Là, dans le silence et la solitude, il retourne au cœur du Père.
Toute l’existence de Jésus de Nazareth, son agir comme son sommeil, sa parole autant que son silence, tout est épiphanie, révélation du mystère de Dieu et de son amour pour l’homme. Cette œuvre, il la poursuit dans sa condition de ressuscité. « Allez, de toutes les nations faites des disciples… Je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,19) Christ est tête d’un corps ecclésial en résurrection, vivifié du sang de son Esprit. L’abaissement, la « kénose » du Fils qui se fait semblable à nous, nous donne de devenir des fils. La « kénose » de l’Esprit qui vient demeurer en nous, fait de nous le Corps vivant de la résurrection du Christ, dans un constant envoi en mission et un retour au cœur.
Atteinte de tuberculose, alors qu’il ne lui reste qu’un an à vivre, Thérèse de Lisieux, pourtant déjà carmélite, découvre sa vocation profonde : « Je compris que si l’Église avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas. Je compris que l’Église avait un Cœur, et que ce Cœur était brûlant d’amour. Je compris que l’amour renfermait toutes les vocations, que l’amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux … en un mot, qu’il est éternel ! Alors, dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : O Jésus, mon Amour, ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’amour ! Dans le Cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’AMOUR… » Que la diastole estivale donne à chacun de trouver toute sa place au cœur de l’Église, et que le Corps ecclésial guérisse de l’hypotension spirituelle et missionnaire…