Mc 13, 33-37
Il est bien venu !
Est-il le bienvenu ?
Par le Père Pierre ABRY,
La liturgie acclame le Dieu « qui est, qui était et qui vient… » On attendrait « et qui sera », pour remplir l’amplitude chronologique de l’espace-temps ; mais nous disons « qui vient », car il fait irruption dans le « kairos », le moment présent. Ce « kairos », moment imprévisible de sa venue prime sur l’espace-temps mesuré par la montre et l’agenda. Mais où donc et comment vient-il ?
Jésus compare sa venue au retour « d’un homme parti en voyage qui a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. » Portier clairvoyant, Pie XII déjà dénonçait l’illusion moderne qui dit : « Le Christ oui, l’Église non ! Puis : Dieu oui, le Christ non ! Finalement le cri impie : Dieu est mort. » On commence par se faire un Christ à soi, à sa mesure, un Christ « bien entre-soi » ; on en dérive vers une spiritualité, puis des valeurs sans Christ ; et puis plus rien… Dieu est mort.
N’en déplaise à beaucoup, le Christ vient en son Église et par son Église, faite de serviteurs inutiles auxquels il a donné « tout pouvoir, et à chacun son travail ». Elle est la porte par laquelle, aujourd’hui encore, le Christ entre en ce monde et le monde accède au Père. Bossuet y voit « Jésus-Christ répandu et communiqué » ; le Concile Vatican II, le « sacrement du salut », signe visible et efficace du Royaume. Elle est ce milieu vital de la foi, en constant état d’avent, en attente du Seigneur et vivant déjà de sa présence.
La recommandation du Seigneur au portier s’adresse à tous : Veiller, littéralement « ne pas être hypnotisé ». Le monde et notre propre chair qui y participe ont un pouvoir anesthésiant et psychotrope pour nous conduire, somnolents, où nous ne voudrions pas. Soyez des « éveillés », des vivants, des ressuscités, et non des endormis dans la mort.
L’œil sur la porte de ton cœur, veille à ce qui y entre et en sort. Passe tout au crible du discernement. Que le Christ qui vient y entre et en sorte ! Tu ne le chercherais pas, si tu ne l’avais déjà trouvé. Tu ne le trouverais pas, si tu ne l’avais déjà cherché. Faisons nôtre le gémissement de saint Anselme : « Enseigne-moi à Te chercher, montre-toi à qui Te cherche, car je ne puis Te chercher si Tu ne m’enseignes, ni Te trouver si Tu ne te montres. Que je Te cherche en désirant, que je désire en cherchant. Que je trouve en aimant, que j’aime en trouvant. » Si celui qui vient est le bienvenu en toi, tu seras cette Église par laquelle il vient au monde aujourd’hui. Sinon, le pouvoir laissé à ses serviteurs les baptisés deviendra pouvoir de le défigurer et le crucifier encore.