Lc 21, 25-28 34-36
Celui qui vient
Par le Père Pierre ABRY,
L’année liturgique s’est achevée sur l’évocation de la venue du Christ en Marc; la nouvelle s’ouvre sur le même retour du Seigneur en Luc. Comme pour la femme enceinte, le terme est moins une fin qu’une nouvelle naissance. Dans le travail et les douleurs de l’enfan-tement, l’accomplissement du temps est un nouveau commencement. Si une certaine exaltation régnait dans les premières communautés chrétiennes attendant un retour imminent du Seigneur, l’appesantissement mondain guète sans aucun doute celles de nos pays dit de vieille chrétienté. Le Christ tempère les premières, bouillonnantes de l’urgence du temps, les prévenant de tout mysticisme sectaire et mortel : « On vous dira : Le voilà ! Le voici ! N’y allez pas, n’y courez pas. » (Lc 17,23) Il exhorte les secondes emportées par l’écoulement du temps perdu : « Tenez-vous sur vos gardes, de peur que vos cœurs ne s’appesantissent dans la débauche, l’ivrognerie, les soucis de la vie, et que ce Jour-là ne fonde soudain sur vous ! » (Lc 21,34)
L’Église traverse l’histoire comme une mère en travail d’enfantement. Ses douleurs sont communes à tous les temps. Elle connaît la concomitance de communautés confessantes et résignées. Notre propre existence peut passer d’une jeunesse exaltée à une vieillesse languissante. La vie en Christ oscille elle aussi entre ces polarités. Mais que ce soit à la fin des temps ou dans des temps arrivés à terme pour engendrer un renouveau, le Christ vient toujours dans la nuée ténébreuse des événements « avec puissance et grande gloire. »
Il est venu dans les ténèbres de la nuit de Bethlehem, relégué dans une étable, pour naître à une humanité arrivée à terme. Il a rejoint les disciples dans les nuées de la tempête sur le lac de Galilée. Arrivé à terme sur la croix, à l’heure où les ténèbres recouvraient la terre, il ouvre la condition humaine à la vie de résurrection au matin de Pâques, lui, Premier-né d’entre les morts. Il envoie ses disciples dans les ténèbres de l’histoire humaine, les assurant : « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps. » Celui qui s’est révélé « Je Suis » à Moïse sur le Sinaï, est dévoilé dans l’Apocalypse comme « Celui qui est, qui était et qui vient. » Il est l’éternel Présent qui fait irruption dans le cours de l’histoire. Ainsi, chaque temps offre une fenêtre ouverte sur l’éternité, non pas comme une perpétuité, mais comme une plénitude, un accomplissement dans une nouvelle naissance. Bien sûr il viendra, mais il est fondamentalement Celui qui vient, qui est en constante venue vers l’homme. C’est le sens de l’avent, adventus. Celui qui vient, qui advient, est à notre porte.