Mt 4, 1-11
Choisis la vie !
Par le Père Pierre Abry,
Il est heureux que ce premier dimanche de carême rapproche le jardin d’Eden, du désert des tentations. Et si ce jardin luxuriant, devenu désert par le péché d’Adam était le cœur de l’homme, au sens biblique, lieu de conscience, d’intelligence, de discernement, de décision et de volonté ? En ce jardin intérieur, Dieu prenait plaisir à se promener à la brise du jour, à chercher l’homme, à entrer en dialogue avec lui. C’est au jardin du cœur d’Adam qu’Eve, « os de ses os, chair de sa chair » a été confiée, mais aussi tout le créé.
« Dieu fit pousser du sol toute espèce d’arbres séduisants à voir et bons à manger, et l’arbre de vie au milieu du jardin, et… » (Gn 2,9) Tout est donc donné, tout est à accueillir avec gratitude, « beau à voir et bon à manger. » Au centre du jardin, il y a donc la Vie, l’arbre de vie, car Dieu veut pour l’homme la Vie. « De tout arbre du jardin, tu mangeras ! » (Gn 2,16) Cependant, la vie ne consiste pas seulement « à voir et à manger », mais aussi à entendre, entrer en dialogue, et ainsi en alliance avec le Donateur. Aussi, une autre parole est donnée à entendre : « De l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu deviendras passible de mort. » (Gn 2,17)
Étrange, ambivalent, cet arbre du « bien et du mal connaître ». Un même arbre porte-t-il des fruits de natures différentes ? Tout arbre ne donne-t-il pas « selon son espèce, des fruits contenant leur semence » ? (Gn 1,11) « Cueille-t-on des figues sur des chardons ? » (Mt 7,16) Ce ne sont donc pas tant des fruits antithétiques qui sont visés, que la connaissance même. Le besoin vital de manger ramène à soi une chose extérieure pour l’assimiler. Le bébé ramène le monde à soi en portant tout à la bouche. « Tout est permis, tout n’est pas profitable. » (1Co 10,23) Tout était donné, et une parole pour ne se saisir de rien avec convoitise.
Eve, dialogue avec le serpent, « homicide dès le commencement… menteur et père du mensonge. » (Jn 8,44) Confuse et désorientée, elle place au centre, situe « au milieu du jardin » l’arbre de la connaissance (Gn 3,3) et non plus celui de la vie. Manger de la connaissance, chercher en elle sa subsistance, ramener le monde entier à soi en l’appréhendant, plutôt que de goûter la Vie dans la gratitude du don reçu et le dialogue avec son Auteur, conduit à la mort, au vide. Le jardin du cœur se fait désert. Poussé par l’Esprit, le Christ vient au cœur de ce désert, en ces quarante jours du carême. La Parole se fait entendre : « L’homme ne vit pas de pain seul, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » (Mt 4,4) Au disciple qui se laisse recentrer en son jardin intérieur et attise sa faim de l’aliment véritable, l’Arbre de Vie s’offre à nouveau dans la Pâque.