Lc 12,49-53
Paix évangélique
Par le Père Pierre Abry
Isaïe avait prophétisé un messie « Prince-de-la-Paix ». Dans la nuit de Bethlehem « un enfant nous est né, un fils nous a été donné » (Is 9,5) et les anges clamaient : « Paix sur la terre aux hommes objets de sa complaisance ! » (Lc 2,14) Il se présente aujourd’hui de manière déconcertante : « Pensez-vous que je sois apparu pour établir la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien la division », le « glaive » dira Matthieu (10,34).
En effet, « vivante est la parole de Dieu, efficace et plus incisive qu’un glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles, elle juge des sentiments et des pensées du cœur. » (He 4,12) Lorsque Marie présentait l’enfant Jésus au temple, le vieillard Syméon le désignait comme « un signe de contradiction, afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs. » (Lc 2,34) Elle-même, qui a donné chair à la Parole en son sein, « ce glaive lui transpercera l’âme » devant le Fils en croix « qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité. » (He 12,3) Ce baptême dans les eaux de la passion, le Christ doit y être plongé, afin d’allumer sur terre le feu de l’amour divin et répandre l’Esprit Saint. Il est venu pour cela, prendre sur lui le refus de Dieu qui règne dans le monde et le cœur de l’homme, pour le consumer dans le feu de son amour : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34)
Au fil des siècles, sur les traces du maître, les disciples subissent encore et toujours la même adversité. « Nous sommes entrés dans l’eau et le feu, tu nous as fait sortir vers l’abondance. » (Ps 65,12) Au IIème siècle, l’épître à Diognète constate que « ces ennemis si acharnés ne pourraient dire la cause de leur haine… alors que les chrétiens n’ont que de l’amour pour ceux qui ne leur montrent que de la haine. » Plus que jamais, en notre société liquide où tout est soluble, dont la seule religion est de ne pas en avoir, l’Évangile insupporte, car il met à la lumière le fond des cœurs et dissipe les ténèbres du mensonge.
« Je vous laisse la paix ; c’est ma paix que je vous donne ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne. » (Jn 14,27) La paix du Christ n’a rien du consensus mou, des arrangements onusiens ou de nos névroses familiales, dont la première victime est toujours la vérité. Cette paix est donnée au matin de Pâques, par la résurrection du Christ, pardon de notre déicide, dans le don de l’Esprit, feu d’amour. « Paix à vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie… Recevez l’Esprit Saint… Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. » (Jn 20,21-23)