Mc 7, 31-37
« Effata ! Ouvre-toi ! »
Par Pierre ABRY, curé
Combien de fois, dans des dialogues de sourds, entendons-nous la répartie facile : « Oui ! Mais moi, je suis ouvert ! » L’interlocuteur s’en trouve immédiatement discrédité, enfermé, au nom même de la prétendue « ouverture », dans la catégorie des sourds-muets, des intolérants. « Je suis ouvert ! » N’y aurait-il donc plus rien à ouvrir en toi ? Ne saurais-tu donc t’ouvrir à aucune nouveauté surprenante ? Si c’est là ton « ouverture », alors quelle réclusion ! Après avoir ouvert les yeux de l’aveugle-né, Jésus reprochera amèrement aux pharisiens : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais vous dites : Nous voyons ! Votre péché demeure. » (Jn 9,41) « Rien d’étonnant : Satan lui-même se déguise en ange de lumière » (2 Co 11,14), le vice se revêt de bons propos et au nom de la liberté les têtes tombent !
Plutôt que de nous targuer d’une « ouverture » qui nous mure en nous-mêmes et enferme l’autre, reconnaissons-nous fils d’Adam, qui le premier a fermé ses yeux à l’amour de Dieu, fermé son oreille à la Parole de Vie et en est devenu muet ou mieux, bègue, accusateur et menteur à répétition. Il a ainsi fermé la création elle-même à son Auteur.
Ce dimanche, Jésus nous visite dans nos terres païennes, nos « décapoles » modernes, nos mégapoles, nos terres, nos villes, nos cœurs fermés à Dieu, tout en prétendant lui être ouverts. Il vient prendre chacun de nous à part, « à l’écart, loin de la foule ». Nous qui sommes sourds à la parole de l’autre, car nous savons déjà ce qu’il va dire, avant même qu’il ne l’ait dit. Nous qui avons « de la difficulté à parler », car il faudrait que l’autre ait compris notre détresse, avant même que nous l’ayons exprimée…
Mais comment parler à un sourd qui n’entend pas ? Comment dialoguer avec un muet qui ne parle pas ? Par le seul langage des signes qui opère un toucher de la grâce. Le toucher est non seulement le tact au sens physique, mais aussi ce sens spirituel, « être touché », rejoint au plus intime. « Effata ! Ouvre-toi ! » Ce rite posé sur nous au jour du baptême prend une vie à se déployer en nous. Ouvre-toi à l’amour du Père, à sa Parole totalement exprimée en Christ. Alors tes lèvres, à l’image de celles de la Vierge Marie, s’ouvriront à l’action de grâce, pour proclamer les grandes choses que le Puissant fit pour toi. Non seulement tes lèvres, mais ton cœur deviendront eucharistiques. Tu seras un être de communion, ouvert à Dieu et aux frères.