Lc 15, 1-32
Parabole des temps actuels
Par le Père Pierre ABRY,
Jésus fait bon accueil aux pécheurs, de surcroît mange avec eux, et pour cause ! « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. » Il est est venu appeler non « les justes, mais les pécheurs, à la conversion. » (Lc 5,32) Mais, ce qui fait « la joie du ciel » qui la fait « naître devant les anges de Dieu », afflige scribes et pharisiens, suscitant en eux le murmure !
Ainsi du fils aîné de la parabole. Convaincu d’être juste, il récrimine contre le père qui accueille le fils perdu de retour. Incapable de se réjouir, il n’entre pas même dans la joie du père ! Pour le rabat-joie, qu’importe une brebis perdue, sans doute par sa faute, quand il en reste 99 autres ? Ne faut-il pas se résigner à avoir perdu une drachme et garder d’autant plus scrupuleusement les neuf autres ? Mais qui oserait dire à une mère qui a perdu un enfant : « Consolez-vous, vous avez les autres ! » Qui conforterait l’amputé, le rassurant d’avoir toujours l’autre jambe ! Qui accrocherait au mur un puzzle auquel il manquerait une pièce centrale ! N’y verrait-on pas que la pièce manquante ! Pourtant, c’est parfois ce cynisme, résigné à un entre-soi confortable, exigeant toutes les attentions du pasteur, qui règne dans le troupeau des restants.
La drachme, la brebis ou le fils perdus dépareillent l’ensemble et son harmonie. Parce que « le tout prime sur la partie », selon l’adage du pape François, le Seigneur se donne tout entier pour chercher la partie perdue. Car sans elle, le tout n’est pas tout, il est incomplétude. Dans le créé, l’homme seul s’est égaré, dépareillant l’ensemble de la création. Il est cette drachme perdue, à l’effigie du Créateur, à son image et ressemblance, enfouie dans la poussière du sol. Lui seul a librement quitté la maison commune.
Le Père ne saurait se résigner à cette perte qui dépareille le tout. En son Fils, il se fait Bon-Pasteur qui cherche la brebis perdue pour la prendre sur ses épaules. En Lui, il prend corps, à notre effigie, à notre ressemblance, se perd dans la poussière de notre terre, pour ramener la drachme perdue au trésor du Père. En Lui, il s’exile en notre terre lointaine de Dieu, pour ramener l’homme à la condition du Fils dans la maison commune.
Pour le Père, une brebis perdue devient la brebis perdue, objet de toute sa sollicitude. Unique et irremplaçable, sa présence est nécessaire au tout. Chacun est une personne unique et nécessaire à l’ensemble. Mon péché, mon égarement démantèle l’ensem-ble, l’harmonie de la communauté, l’Église. C’est de mon retour par la conversion que dépend l’achèvement de l’ensemble selon le dessein de communion du Père.