25ème Dimanche du temps ordinaire Année A

Mt 20, 1-16

Just in time

Par le Père Pierre ABRY, 

        Ce jour d’embauche, du matin au soir est sans doute une journée de vendange. Il faut des bras, de la main-d’œuvre, des mains au travail et du cœur à l’ouvrage. Ce jour est l’histoire de l’humanité, car « devant le Seigneur, un jour est comme mille et mille ans comme un jour. » (2P 3,8) Ce jour est la vie de l’homme qui « le matin fleurit et pousse, le soir, se flétrit et sèche. » (Ps 90,6) Ce jour d’embauche est aussi celui qui m’est donné, l’ « au-jour-d’hui », « hui » contractant le latin « hoc dies ». « Au jour de ce jour » donc, le Maître sort pour appeler à sa vigne. « Aujourd’hui, si vous écoutez sa voix, n’endurcissez pas votre cœur ! » (Ps 95,7)

       La journée aurait pu s’achever dans une saine fatigue du corps, le cœur en paix pour l’œuvre accomplie, l’âme dans l’allégresse de la récolte et l’exultation « d’une année couronnée de bienfaits. » (Ps 65,12) C’était sans compter avec cœur ténébreux de l’homme et son « œil mauvais ». « La lampe du corps, c’est l’œil. Si ton œil est malade, ton corps tout entier sera ténébreux. Si la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres ! » (Mt 6,22-23)

         Le maître du domaine se révèle juste avec les ouvriers de la première heure, généreux avec ceux de la dernière. Il donne à chacun le denier nécessaire au pain quotidien, pour lui et la famille à sa charge. « Dans sa droiture, il a donné comme il avait convenu, et dans sa bonté, il s’est montré miséricordieux comme il l’a voulu. » (Saint Éphrem) Les premiers s’indignent de leur salaire juste et conforme au contrat, à cause de la libéralité du Maître envers les autres ! Leur justice rétributive les conduit au mépris du Maître et du frère, les ferme à la miséricorde distributive du Royaume : « Prends ce qui te revient, et va-t’en ! » « Si votre justice ne surpasse pas celle des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume… » (Mt 5,20)

        Qui donc sont ces premiers, sinon les fils d’Adam qui le premier a jalousé, voyant d’un œil mauvais la bonté du Créateur ? Sa descendance est gangrénée par la rivalité : Caïn tue Abel ; Joseph est envié par ses frères ; Ésaü rivalise avec Jacob ; Saül est jaloux à mort de David… Et nous-mêmes nous réjouissons avec peine du don fait à un frère… Alors que le jour de l’humanité allait vers son déclin, l’Ouvrier de la dernière heure a tout accompli en son heure, mourant au pressoir de la croix, entouré de deux derniers dont l’un entrera premier dans le Royaume. Payé le premier du denier de la résurrection, il devient l’aîné d’une multitude de frères, ces « plus petits » appelés à travailler à sa vigne pour l’unique denier de la vie éternelle. Mais il en est encore pour se fermer à cette joie, pour attendre plus que la vie éternelle, ou même refuser de la vivre avec ceux qu’ils regardent d’un œil mauvais parce qu’appelés à la dernière heure.

 

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