Lc 17, 5-10
Rentrée syndicale apostolique
Par le Père Pierre ABRY,
Les apôtres demandent au Seigneur : « Augmente notre foi ! » La foi serait-elle question de peu ou prou ? A chaque parole de l’Évangile nous nous disons: « Ah ! Si j’avais la foi, je l’accomplirais ! » Puis, dans un mouvement inverse de lamentable repli sur nous-mêmes : « Si je l’accomplissait, j’aurais la foi. » Ces raisonnements en boucle engendrent une asphyxie, une impossibilité de la foi et une paralysie de l’action que la tradition de l’Église appelle acédie. Que signifie avoir un peu confiance en quelqu’un ? As-tu confiance ou non ? Car avoir « un peu confiance » signifie précisément en manquer, nourrir de la méfiance, de la défiance.
Aux apôtres qui demandent une augmentation, Jésus répond ainsi : « Augmentation de foi ? Comme une augmentation de salaire pour accroître le pouvoir d’achat ? Vous n’y êtes pas. Ici, il ne s’agit pas de peu ou de plus, pour pouvoir plus. Car si vous en aviez gros comme un minuscule grain de sénevé, ce serait suffisant. Vous diriez à ce sycomore indéracinable de se transplanter dans la mer et il le ferait ! Cessez de demander toujours plus comme des enfants gâtés. Avec ce que vous considérez comme « trop peu », vous réaliseriez des choses que vous n’imaginez pas même. Car tout vous a déjà été donné pour expérimenter la surabondance du don de Dieu
La foi n’est pas une adhésion intellectuelle, sentimentale ou religieuse. Elle est expérimentale. L’expérience est, selon l’étymologie du terme, le fait de « passer à travers ». Plutôt que de demander des augmentations, commence par risquer le premier pas qui t’est donné à faire, par pure grâce. Pourquoi te justifier de ne pas arriver, alors que tu te refuses encore à prendre le départ ? Pourquoi ne jamais te mettre sur le départ, arguant toujours que l’arrivée est trop lointaine ? Ce premier pas t’ouvrira à l’expérience de l’inouï, à la gloire de « Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir. » (Eph 3,20)
Le premier pas te mettra en situation de commencer à devenir disciple et serviteur. Labourant le champ de l’évangélisation et servant au sacrement du banquet du Royaume, n’attends ni remerciement ni repos, car tu es serviteur inutile. La gratification serait dans l’utilité, mais la joie véritable est celle de servir, d’aimer en servant, de servir en aimant… Aujourd’hui plus que jamais, dans une société qui nourrit dans les personnes le sentiment d’inutilité.