Mc 10, 35-45
Grandeur du service
Par le Père Pierre ABRY,
Le groupe des Douze apparaît parfois comme un panier de crabes bien mondain. Jésus vient d’annoncer pour la troisième fois l’abaissement de sa passion. Les disciples eux, se préoccupent d’honneurs et de rang. « Qui est le plus grand ? » était la question sur le retour du Thabor à Capharnaüm. Sur la route de Jérusalem, demandant à siéger aux côtés de Jésus dans sa gloire, Jacques et Jean ne convoitaient certainement pas une place de larron à droite ou à gauche du Christ crucifié de gloire ! Non, ils « ne savent pas ce qu’ils demandent », tout comme ceux qui crucifient « ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34) Les dix autres, pleins de la même vanité mondaine, affectent l’indignation vertueuse devant le culot des fils de Zébédée. Le monde est ainsi parce que tel est l’homme. L’Église en ce monde souffre des mêmes atavismes. Grandeur et misère de l’homme…
Jésus s’empare de la mesquinerie pour révéler aux siens la structure intime de son Église : « Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. » L’Église n’est pas une hiérarchie de strapontins à convoiter, où « les chefs commandent en maîtres et les grands leur font sentir leur pouvoir. » Elle est fondée sur une communion existentielle au Seigneur, à sa coupe et à son baptême. « La coupe que je vais boire, vous la boirez ; et vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé. » Le plus grand y est celui qui communie le plus profondément au Christ, « qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir. » Et ce service consiste à « donner sa vie en rançon pour la multitude. »
Isaïe déjà avait entrevu le Serviteur souffrant : « Objet de mépris, abandonné des hommes… ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé… Il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes… Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir… Il offre sa vie en sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours… Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes. » (Is 53)
Alors, quelle place, quelle réussite ? La véritable grandeur dans l’Église est celle du service. Mais ne l’entendons pas de la seule bienfaisance. Servir le frère, c’est en dernier ressort se charger de son péché, pour y répondre par la miséricorde. Prendre sur soi le péché de l’autre, c’est entrer dans une souffrance inouïe parce que injuste. Ce n’est pas payer une rançon, mais donner sa propre vie en rançon. Christ a donné sa vie pour nous offrir une vie de rachetés et nous ouvrir l’espace de relation au Père et aux frères.