Mt 22, 15-21
Faux monnayeurs
Par le Père Pierre ABRY,
Pervers, « perversus », agissant par derrière, pharisiens et hérodiens cherchent à prendre Jésus au piège de sa propre parole. Premier moyen de donation de soi et d’accueil de l’autre, pour atteindre par le dialogue la communion, la parole est dégradée en filet pour prendre l’autre à défaut. « Seigneur, au secours ! Il n’y a plus de fidèle ! La loyauté a disparu chez les hommes. Entre eux la parole est mensonge, cœurs doubles, lèvres menteuses. » (Ps 12,2-3) Mais les perfides se prendront à leurs propres intrigues. « Ils ont tendu un filet sous mes pas : j’allais succomber. Ils ont creusé un trou devant moi, ils y sont tombés. » (Ps 56,7) « C’est du trop-plein du cœur que la bouche parle. » (Mt 12,34) Jésus révèle aux hypocrites, par delà le personnage qu’ils jouent, le fond pervers du cœur.
« Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César ? » Hérodiens compromis avec l’occupant et pharisiens « amis de l’argent » (Lc 16,14) tout en pensant être amis de Dieu sont à l’affut. Quelle qu’elle soit, la réponse sera motif de condamnation. Aussi, Jésus répond par une question : « L’effigie et l’inscription sur la monnaie de l’impôt, de qui sont elles ? » On présente un denier à Celui qui n’a pas d’endroit où reposer la tête, ni monnaie dans sa poche. L’image de Tibère y est entourée de l’inscription : « Tl. CAESAR DIVI AUG. F. AUGUSTUS » Tibère, César, fils du divin Auguste, Auguste lui-même. Le revers porte : « PONTIF. MAXIM. » pontifex maximus, grand prêtre. Auguste, père de Tibère est divinisé et proclamé digne d’adoration, ainsi que son Fils. Pour un juif, c’est inacceptable. C’est pourquoi cette monnaie païenne ne pouvait entrer dans le temple. Des changeurs la convertissaient pour permettre aux fidèles de verser leur obole au trésor.
« Rendez à César qui se fait dieu, la monnaie qu’il a frappée, et rendez à Dieu qui est vrai Dieu, l’homme créé à son image et à sa ressemblance. Je ne viens pas libérer du pouvoir romain, mais de l’idolâtrie, pour rendre l’homme à son Dieu, le fils prodigue au Père, la brebis perdue au bercail. Vous m’avez adulé comme celui qui « est toujours vrai et enseigne le chemin de Dieu en vérité. » Eh bien, je suis le chemin pour rendre à Dieu ce qui lui revient. Vous avez vu et touché le denier à rendre à César parce qu’il porte son effigie, de même vous voyez et touchez Celui qui est « l’effigie de la substance » du Père (He 1,3), le chemin vers le sein du Père (Jn 1,18). Par moi, vous pouvez rendre à Dieu ce qui est à Dieu, vous rendre à Lui, recréés à mon image et à ma ressemblance, devenant réellement fils de Dieu. »