Lc 18, 1-8
Le courage dans la prière
Par le Père Pierre ABRY,
De la veuve importune on ne retient souvent que l’exhortation à prier sans cesse, oubliant qu’elle appelle aussi à ne pas se décourager dans la prière. Combien de fois entend-on : « J’ai demandé et je n’ai pas été exaucé ; tout cela n’est que foutaises, je n’ai plus la foi ! » Combien de rencontres pastorales s’achèvent sur cette chute lamentable qui met Dieu en accusation pour justifier l’homme dans son impiété ! Vraiment, « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
A un niveau plus ecclésial, depuis des décennies nous prions pour les vocations sacerdotales. Cette prière aussi reste en suspens… Les uns dirons que nous prions mal ou pas assez encore ; le bord opposé rétorquera que c’est pour arriver enfin au mariage des prêtres ! Pieuse religion d’une part, management pastoral de l’autre, « mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
Toujours, l’Adversaire se frotte les mains lorsque Dieu est mis en doute ou en accusation. La prière de la veuve demande précisément qu’on lui « rende justice contre son adversaire ». Sa prière persévérante obtient que ce juge, qui n’en a rien à faire ni de Dieu ni des hommes, presque malgré lui, peut finalement devenir ce qu’il est, un juge, un juge qui rend justice. Et si notre prière laissait Dieu être Dieu ? Si nous arrêtions de lui dicter, sous menace d’apostasier, ce qu’il doit faire ! Si nous cessions de le réduire au rang de sous-fifre exécutant la partition que nous dictons ! La parabole de l’ami importun, assure que « le Père donnera l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient. » Voilà ce qu’il convient de demander.
Au jardin de Gethsémani, Jésus prie sans se décourager, demandant que la volonté du Père soit faite et qu’ainsi soit fait justice de l’Adversaire (Mt 26, 36ss). S’il commence par envisager « qu’il est possible que la coupe de la passion passe loin de lui », la prière persévérante le fait entrer dans la réalité : « Elle ne peut pas passer sans qu’il la boive. » Enfin, dans la force de l’Esprit Saint donné dans la prière, il se lève et entre dans sa passion. La prière persévérante fait changer le priant plus que Dieu. Mais le plus souvent, nous abandonnons avant même que le moindre changement n’ait pu se donner en nous, reprochant plutôt à Dieu de ne pas changer ses plans ! Nous en devenons désabusés, las, blasés, cyniques parfois, car notre volonté ne se réalise pas. Vraiment, « le Fils de l’homme trouvera-t-il la foi sur la terre », cette foi qui fait entrer dans la prière et dans la réalité, y discernant et y vivant l’amour du Père ?