Jn 1, 35-42
Éloge de l’ insatisfaction
Par le Père Pierre ABRY,
La vie n’est-elle que cela ? Une subsistance en assumant les nécessités quotidiennes ? Elle n’en serait qu’une piètre survie, plutôt la « sous-vie » d’un être réduit à une entité de consommation et de production, se produisant sur l’éphémère scène théâtrale du monde et s’y consumant ! Heureux qui, comme les mages, fait un grand voyage. Loin d’être repus, satisfaits et installés, leur quête intérieure les a conduits à se mettre en chemin. Ils ont observé les signes, cherché, cheminé, interrogé, scruté les Écritures d’Israël, et trouvé la vérité. Non pas un concept de vérité, mais la vérité faite chair, sur la paille de la crèche de Bethléem. Cette rencontre les a transformés et ils s’en sont retournés par un autre chemin, de fait, devenus eux-mêmes autres en chemin.
Les disciples de Jean-Baptiste l’ont rejoint sur les rives du Jourdain, parce qu’insatisfaits, ils cherchaient. Heureux qui, comme eux cherche, il trouvera ; heureux qui ose frapper, il lui sera ouvert ; heureux qui se risque à demander, il lui sera donné (Mt 7,8). Le prophète leur désigne un homme, l’Homme, Jésus de Nazareth, l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. « Se retournant, Jésus vit qu’André et son compagnon le suivaient, et leur dit : “Que cherchez-vous ?“ Ils lui répondirent : “Rabbi – ce qui veut dire Maître – où demeures-tu ?“ Il leur dit : “Venez, et vous verrez !“ Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. » (Jn 1, 38-39) « Que cherchez-vous ? » C’est en saint Jean, la première parole dite par la Parole faite chair ! Que cherches-tu ? Où cherches-tu ta vie ? La question traverse les Écritures depuis la genèse : « Adam, où es-tu ? » (Gn 3,9) Heureux qui, aujourd’hui encore ose poser les grandes questions.
Dans le désert de la dépression du Jourdain versant dans la Mer morte, au point le plus bas de ce monde, Dieu cherche l’homme qui cherche à tâtons. « Où est Dieu ? Où demeures-tu ? » En réponse, l’invitation : « Viens et vois ! » Mais qu’ont vu les disciples du Baptiste ? En ce lieu de désolation, nulle demeure luxueuse ! Ils ont vu l’Homme qui est Fils de Dieu. Il n’a pas où reposer la tête, mais repose en l’amour de Dieu son Père ; un homme qui se reçoit de son Père et se donne à lui en retour, en chaque instant de son existence ; l’homme nouveau, libre ; l’homme dans sa condition filiale, qui ne vit pas son existence dans l’obsession du passé, les soucis du présent et l’inquiétude de l’avenir. Pour voir cela en nos vies, il nous faut chercher ; cherchant, accepter qu’un prophète nous le désigne et encore, accepter humblement de venir à Lui.