Mc 13, 24-32
Apprenez du figuier
Par le Père Pierre ABRY,
Quelle contradiction, l’homme ! Rebelle à la souffrance, il en accuse Dieu : « S’il était bon, pourquoi les calamités ? » Or, une création sans souffrance lui avait été offerte en genèse : « Ne mange pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, pour ne pas goûter la mort. » (Gn 3,3) Alors déjà, Dieu était mis en accusation pour le bien qui allait de soi. L’homme choisit d’expérimenter le mal, pour discerner par lui même le bien du mal. Depuis, le mal va de soi. Le figuier de la Loi porte un fruit de mort et de ses feuilles, l’homme se fait un pagne pour cacher sa nudité intérieure. (Gn 3,7) Premier signe du figuier.
Désormais, la souffrance est inéluctable dans un monde sapé par la mort. Aucune génération ne passera sans que les signes terrifiants d’un monde finissant ne l’accablent. Aucune vie ne s’achèvera sans cette inquiétude que produit la seule idée de sa fin. Ce qui vaut de la fin des temps, vaut de la fin du temps de chacun, et nul n’en connaît l’heure. Cataclysmes cosmiques, détresses de tous genres, souffrances et tribulations personnelles sont autant de signes apocalyptiques, littéralement « révélateurs ». Comme le figuier révèle l’approche de l’été, ces signes, présents à tous les temps, révèlent la « proximité du Fils de l’homme, qui se tient à notre porte. » La création en tohu-bohu prélude à un cosmos nouveau. Les tribulations présentes sont douleurs d’accouchement de l’homme nouveau. La fin menaçante révèle le double sens du mot : à la fois terme qui suscite l’inquiétude et finalité qui nourrit l’espérance. « Les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous. Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. » (Rm 8, 18-21)
Avant l’avènement final, la venue actuelle du Fils de l’homme coïncide aussi avec l’envoi de ses anges, les annonciateurs, les évangélisateurs, pour rassembler les élus des quatre coins du monde. Leur annonce réalise l’avènement de la Parole agissante, origine et aboutissement de toute chose, Parole qui seule « ne passera pas », le Christ sens ultime de l’histoire, de mon histoire. Ultime signe du figuier ? Ses feuilles ne sont pas encore formées que déjà pointent les premiers fruits. Le Bien-Aimé du Cantique des cantiques se tient à la porte du cœur de chacun. « Lève-toi, ma bien-aimée, ma belle viens. Car voilà l’hiver passé… Le figuier forme ses premiers fruits et les vignes en fleur exhalent leur parfum. Lève-toi, ma bien-aimée, ma belle, viens ! » (Ct 2,13)