Lc 21, 5-19
Aboutir dans le témoignage
Par le Père Pierre Abry,
« Guerres, désordres, nation contre nation, tremblements de terre, famines, épidémies, phénomènes effrayants et persécutions… » Jésus ne décrit pas la fin des temps, mais bien le temps présent, notre temps, celui de toujours, avec ses éruptions violentes « selon les lieux ». Notre premier monde, assoupi depuis les Trente Glorieuses en un confort consumériste, bercé à la religion de la croissance sans fin, se réveille en effroi au tocsin du catastrophisme écologique, de la Covid, de la guerre en Ukraine et de ses répercussions mondiales.
Jésus n’est pas prophète de malheur. Il décrit simplement le monde tel qu’il est, livré à lui-même, à l’homme et au Prince de ce monde. Il pointe cependant ce que ce monde suscite en l’homme, qui connaît le vide intérieur, l’échéance inéluctable de la mort et une existence qui y conduit en passant par la souffrance : effroi, sidération, stupeur. Cet état d’agitation anxieuse conduit aux comportements les plus irrationnels, dispose l’homme à se laisser subjuguer, littéralement se « mettre sous le joug » de messies autoproclamés. Ils viennent disant : « Je suis », usurpant la place et le Nom de Dieu révélé à Moïse ; ou encore disant : « Le moment est tout proche. » L’urgence imposée, amplifiée par la caisse de résonnance et de distorsion médiatique accroît un mouvement oscillatoire, jusqu’à la rupture des structures même de nos sociétés. Nous consentirons à tout !
« Par votre persévérance, vous garderez votre vie. » Là est peut-être le point de rupture, dans notre société occidentale devenue thérapeutique, qui promet un bien-être sans lien avec l’être, mais réduit à un état de jouissance ou à défaut de non souffrance. Pardonnez ! Tant et trop de fois j’ai entendu : « Heureusement…, il n’a pas souffert… » lorsque la mort survient. Évidemment, dans une société qui se veut libre de toute contrainte, en recherche du plaisir individuel sans limites et de la gestion des angoisses, quel sens pourrait bien avoir la souffrance ? L’Église elle-même devient d’autant plus thérapeutique qu’elle est malade !
Tout « cela aboutira pour vous au témoignage », c’est-à-dire au martyr, et jusqu’au sang pour certains. Endurer l’adversité et supporter la souffrance n’ont de sens que dans l’amour, la vérité de l’amour et l’amour de la vérité. Les choses précieuses se souffrent. L’amour se souffre, plus qu’il ne se jouit, sous peine de n’en être qu’une parodie, un égoïsme masqué. L’amour dure et endure. Là, nulle urgence, mais constance et persévérance. L’amour est « le langage et la sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer » que le Seigneur inspire, donnant l’Esprit Saint à ceux qui mettent en lui leur foi.