Jn 18, 33b-37
« Temps barbares »
Par le Père Pierre ABRY,
Il y a deux semaines, nous célébrions dans la joie et l’allégresse la fête patronale de saint Florent. L’évangile du dimanche suivant décrivait le commencement des tribulations des temps derniers, alors que la France était sous le choc de la barbarie déchaînée à Paris. Saint Florent était évêque de Strasbourg vers la fin du 6ème siècle, dans un monde émergeant à peine des décombres de la Pax Romana volée en éclats. L’empire romain, sapé de l’intérieur par la corruption de sa société avait implosé sous la pression extérieure des barbares, les « barbus » d’alors, Wisigoths, Ostrogoths, Alamans, et autres. Car, pour le romain rasé de près, le « barbare » est celui qui porte la « barbe ». Ce que d’aucuns croyaient être alors la fin du monde, n’était que la fin d’un monde. Troublante actualité des temps barbares…
Jésus rappelle devant Pilate que sa royauté n’est « pas de ce monde, sinon ses gens se seraient battus pour qu’il ne soit pas livré. » La royauté ou le califat qui s’établi par la force, la violence et le meurtre vise nécessairement une soumission selon ce monde et à ce monde. La royauté du Christ n’est ni de ce monde, ni selon ce monde. Le discours de Benoît XVI à Ratisbonne en 2006, qui a fait cacarder toutes les oies du capitole de la bien-pensance médiatique, avertissait que « la diffusion de la foi par la violence est contraire à la raison, contraire à la nature de Dieu et à la nature de l’âme… Celui qui veut conduire quelqu’un vers la foi doit être capable de parler et de penser de façon juste et non pas de recourir à la violence et à la menace… Pour convaincre une âme douée de raison, on n’a pas besoin de son bras, ni d’objets pour frapper, ni d’aucun autre moyen qui menace quelqu’un de mort… » Mais nous sommes désormais livrés aux « pathologies de la religion et de la raison, qui nous menacent et qui doivent éclater nécessairement là où la raison est si réduite que les questions de la religion et de la morale ne la concernent plus. »
« Donc tu es roi ? » demande Pilate. « Je le suis ! » répond Jésus, en rendant témoignage à la vérité. Il l’est en vérité lorsque, seul contre tous, sur la croix, la violence des hommes se déchaîne contre celui qui l’a dénoncée. Il l’est lorsque, ressuscitant des morts, tous les mécanismes diaboliques qui offrent la paix dans le sacrifice d’un bouc émissaire sont mis à nu et désarmés. Paradoxalement, René Girard qui a mis en lumière ce fonctionnement mimétique violent de nos sociétés est décédé lui aussi, en ce mois de novembre 2015.