Jn 4, 5-42 Le sanctuaire intérieur Par le Père Pierre ABRY, Au temps des patriarches, les puits sont un enjeu majeur. On y puise l’eau nécessaire à la vie ; on y fait des rencontres amoureuses qui changent le cours d’une vie. (Gn 24.29) Ils sont objets de convoitises et de rivalités, comme aujourd’hui la guerre commerciale fait rage autour des matières premières. Ainsi « les Philistins avaient bouché et comblé de terre » les puits qu’Abraham avait légués à son fils Isaac. Creusant alors dans la vallée de Gérar, « les serviteurs d’Isaac trouvèrent un puits d’eaux vives. » (Gn 26, 15. 19) Jésus est assis sur la margelle du puits que Jacob avait légué à ses fils près de Sychar. Nos pères aussi nous ont légué un puits vital, en nous portant sur les fonts baptismaux. Ce puits de la vie baptismale est à l’intérieur de chacun. Peut-être a-t-il été bouché par l’Ennemi, comblé de terre, encombré de choses terrestres. Ou peut-être allons-nous y puiser encore. Mais comme la samaritaine, nous nous épuisons à puiser, il nous en coûte de chercher l’eau à cette profondeur. Certains fidèles vivent le christianisme comme un effort, une exigence, un moralisme. Assis au bord du puits intérieur, Jésus t’attend durant ce carême, quarantaine qui prépare à sa Pâque. Le temps liturgique et le drame que traversent les nations nous conduiront bientôt en réelle quarantaine. Le mercredi des cendres déjà invitait à redécouvrir le « secret du cœur », l’intériorité : « Quand tu pries, retire-toi dans la pièce reculée, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père qui voit dans le secret te le rendra. » (Mt 6,6) Au bord du puits intérieur se donnera la rencontre avec le Seigneur Jésus, qui fait du puits stagnant une source jaillissante : « l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle. » Pour que cela advienne, tu seras renvoyé au concret de ta vie : « Va chercher ton mari ! …Tu en as eu cinq et celui que tu as n’est pas ton mari ! » Mari, « baal » en hébreux désigne le conjoint, mais aussi les idoles que nous épousons pour leur demander la vie. Épouse la Vie, choisis la vie, le Christ en ton intérieur : « L’heure vient où ce n’est ni sur le Mont Garizim ni à Jérusalem – telle église ou telle autre – que vous adorerez le Père. L’heure vient – c’est maintenant – où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père. » Cette quarantaine nous conduira à faire de nos maisonnées des sanctuaires, à vivre l’adoration véritable dans la crypte du cœur. De cette rencontre jaillira le témoignage auprès de nos frères samaritains. A leur tour, ils rencontrerons Christ et diront : « Ce n’est plus sur tes dires que nous croyons ; nous l’avons nous-mêmes entendu et nous savons que c’est vraiment lui le sauveur du monde. » |