Mc 1, 14-20
Entre les mailles du filet
Par le Père Pierre ABRY,
Dans la Nativité, Dieu s’est approché, s’est fait infiniment proche, « Emmanuel, Dieu-avec-nous ». Désormais, les promesses faites aux pères sont à maturité. Dieu a franchi la distance que l’homme avait interposée par son péché. « Les temps sont accomplis : le Règne de Dieu s’est approché. » En Christ, Dieu a fait retour à l’homme qui s’était séparé de lui. Mais il reste à l’homme de faire son retour à Dieu présent : « Convertissez-vous, croyez à l’Évangile. » Se convertir signifie littéralement « faire retour » en croyant à la bonne nouvelle de l’amour de Dieu, se laisser retourner par cet amour.
Le Royaume de Dieu annoncé, nécessite un peuple qui le rende visible, qui manifeste que Dieu règne en lui, sur lui. Aussi, passant le long de la mer de Galilée, Jésus appelle Simon et André, Jacques et Jean : « Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » Qu’est-ce qui a suscité dans le cœur de ces hommes, une réponse aussi immédiate qu’inconditionnelle à l’appel, sinon cette première journée qu’André et son compagnon avaient passée avec Jésus, sur les bords du Jourdain ? Là, ils avaient entrevu l’homme nouveau, libre, dans sa condition filiale, qui ne vit pas son existence dans l’obsession du passé, les soucis du présent et l’inquiétude de l’avenir.
Comme Jacques et Jean, l’homme est assis dans la barque de sa vie à réparer les filets dont il attend sa subsistance. Nous sommes pris à nos propres filets qui nous tiennent et nous retiennent. Ils sont filets à provisions, filets financiers et économiques, affectifs, familiaux, addictifs, etc. N’oublions pas le grand filet, « le Net », qui tient l’humanité entière dans sa toile, laissant miroiter une liberté illusoire de « surfer » sur l’ensemble des possibles instantanément accessibles. Les « réseaux sociaux » qui s’y tissent ne sont pas en reste, comme autant de relations virtuelles, sans parole ni visage.
Si, comme André, de temps à autre au moins, nous consentions à venir à Jésus, le voir demeurer en son Père, et rester quelque peu auprès de lui, son appel ouvrirait par la suite en nous des horizons insoupçonnés : travailler sans filet à sa suite, en pêcheur d’hommes ! Mais si la capacité de contemplation a été étouffée en nous, comment un homme qui n’a même plus le temps, s’ouvrirait-il à l’éternité présente ? Elle seule pourtant donne à l’existence sa verticalité et sa profondeur. Faisons retour ! Retrouvons le chemin de l’intériorité, sous peine de rester dans nos filets. Puisse cet entrefilet y inviter : « Venez et voyez ! »