Jn 3, 14-21
Tout est donné
Par le Père Pierre Abry,
« Dieu a tellement aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique. » Le Fils a tellement aimé le monde, qu’il s’est donné lui-même, tant aux hommes, qu’au Père en sa volonté de le donner. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15,13) Cependant, ce plus grand amour demande à être reçu. Il y a là une ‘causalité réceptive’. Le don ne le devient vrai-ment que s’il est accueilli comme tel, sinon il n’est que pure perte. Cet accueil n’est autre que la foi. « A ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. » (Jn 1,12) Dieu ne juge pas l’homme, lui qui est venu le sauver ! L’homme se juge et se condamne lui-même par son refus. « Qui croit en lui n’est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au Nom du Fils unique de Dieu. »
Bien souvent l’homme se met lui-même dans une posture où il lui devient impossible de croire. « L’impie se glorifie du désir de son âme, l’arrogant blasphème, il brave le Seigneur ; plein de suffisance, l’impie ne cherche plus : « Dieu n’est rien », voilà toute sa ruse. » (Ps 9b, 3-4) L’impie revêt aussi les traits de l’homme religieux, comme les Israélites dans le désert. Mordus par le serpent du murmure et de la révolte, ils mettent Dieu à l’épreuve, le défient, s’en font une fausse image, le méprisent. La morsure de ce serpent rend la foi impossible.
Pendant 12 ans, Charles de Foucault a vécu « comme on peut vivre quand la dernière étincelle de foi est éteinte… » Puis, « une grâce intérieure extrêmement forte me poussait : je me mis à aller à l’église, sans croire, ne me trouvant bien que là et y passant de longues heures à répéter cette étrange prière : ‘Mon Dieu, si vous existez, faites que je Vous connaisse !’ » Charles a envisagé que Dieu puisse exister pour lui et se faire connaître. Cette causalité réceptive permet à la réalité d’advenir. A l’athée qui ne laisse pas Dieu exister pour lui, il est impossible de le connaître. A l’homme religieux qui pense le connaître, que Dieu puisse être différent de la représentation qu’il s’en fait, est impensable.
Aussi faut-il un premier pas comme antidote au venin. Pour les israélites, lever les yeux vers le serpent d’airain élevé par Moïse, pour reconnaître la morsure mortelle de l’incrédulité. « Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’homme, afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle. » « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé. » (Za 12,10) Levant les yeux vers le Crucifié qui a assumé mon péché, je vois ce que le péché fait de moi : un condamné à mort, agonisant, abandonné de tous. De ce regard qui est causalité réceptive, jaillira au matin de Pâque le pardon du péché, la vie éternelle, capacité de se donner du plus grand amour.