Jn 12, 20-33
Sauvés dans l’obéissance
Par le Père Pierre ABRY,
Nous mesurons avec peine la profondeur du mystère de l’incarnation. Le Christ, est vraiment homme certes, mais Dieu tout de même ! Ainsi, nous fabriquons un Jésus superstar de comédie musicale. Revêtu de notre nature humaine comme d’un accoutrement pour une apparition sur la scène théâtrale de ce monde, il s’en dévêt dans le vestiaire du tombeau pour entrer dans une gloire éthérée. Happy end !
L’évangile de ce dimanche nous met devant la réalité dramatique de la condition humaine, pleinement assumée, dans toute sa faiblesse, par le Fils de Dieu. Au désert, « ayant épuisé toute tentation, le diable s’était éloigné de lui jusqu’au moment favorable. » (Lc 4,13) Voici venue l’heure, désirée et redoutée à la fois, d’entrer dans la passion pour réconcilier l’humanité au Père dans la résurrection. Devant cette heure, Jésus est envahi par la frayeur et l’angoisse : « Mon âme est troublée, triste à en mourir. » (Jn 12,27 ; Mt 26,28) La nature humaine répugne à la souffrance sous toutes ses formes. Son heure plonge Jésus dans un combat intérieur terrible : « Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! »
D’où vient cette terreur de la mort, que le Christ a vécu avec plus d’intensité qu’aucun homme ? Le grain de blé tombé en terre meurt à lui-même pour germer, donner une tige et porter l’épi. Dans la création tout meurt et ressuscite, dans une parfaite offrande d’amour. Seul l’homme y rechigne, cherchant sa vie en toute chose, pour finalement la perdre. Depuis Adam, Eve et la “pomme”, nous avons un pépin… L’humanité entière est « enfermée dans la désobéissance, pour que Dieu fasse à tous miséricorde. » (Rm 11,32)
Le Christ, « tout Fils qu’il était, apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance. » (He 5,8) Obéir aux événements conformes à nos attentes, c’est encore se réaliser. Obéir lorsque notre intelligence acquiesce, revient à faire sa propre volonté. L’obéissance commence dans l’adversité. Face à la souffrance de la croix, dans une faiblesse radicale qui est la nôtre, Jésus plie notre nature révoltée, pour la faire entrer dans ce que nous ne savons plus faire depuis Adam : obéir en une offrande d’amour. Seule cette forme d’amour traverse la mort. En elle, le Père est glorifié par le Fils et le Fils par le Père. Ainsi « rendu parfait, le Christ est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut éternel. » (He 5,9) Il nous arrache à nous mêmes, à la nécessite frénétique de rechercher notre vie, pour nous mettre en capacité de donation de nous-mêmes.