Jn 14, 1-12
Voir le Père
Par le Père Pierre ABRY,
Dans la Pâque du Christ, l’humanité est entrée dans la « plénitude des temps ». La résurrection ouvre le temps sur sa plénitude, sur l’éternité. Il est « rempli », non d’un rallongement de durée, mais par l’accès à la plénitude de l’être. Le Christ ouvre le passage vers « notre place », celle qu’il nous a préparée, la communion avec le Père.
« A nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi, afin que, là où je suis, vous aussi, vous soyez. » (Jn 14,3) Depuis lors, le Seigneur est en continuelle venue vers nous, pour porter l’homme à voir le Père, dans une relation de communion filiale avec Lui, semblable à celle que le Fils Unique vit avec le Père : « Je suis dans le Père et le Père est en moi. » (Jn 14,10) Tant de venues du Christ dans notre histoire personnelle, et comme l’apôtre Philippe, nous demandons encore : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit. » La même réponse nous est faite : « Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas ? Qui m’a vu a vu le Père. » (Jn 10, 9-10)
Moïse déjà suppliait le Seigneur au Sinaï : « Fais-moi de grâce voir ta gloire. » Dieu lui a répondu : « Tu ne peux pas voir ma face, car l’homme ne peut me voir et rester en vie. » (Ex 33, 13.18.20) On ne peut donc voir le Père sans mourir. Mais n’entends pas ce « mourir » du seul terme de ta vie, vis ce « mourir » dès cette vie ! Nul ne peut voir le Père, sans entrer dans la manière filiale et fraternelle de mourir propre au Christ. « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. » Cheminant dans la vérité de l’amour comme j’ai aimé, « celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père. »
Les œuvres promises aux disciples sont celles de l’amour jusqu’au bout : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. » Aimant ainsi, nous est révélé le visage du Père, car la vie filiale du Christ se manifeste en nous. « Nous portons partout et toujours en notre corps la manière de mourir de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps. » (2 Co 4,10) A cet amour tout est possible. En lui, deux êtres peuvent s’épouser pour toujours, et un autre peut renoncer aux noces, consacré dans le même amour. Le péché diviseur est vaincu dans ce même amour jusqu’au bout, qui par delà le don va jusqu’au pardon. Parce que la mort est vaincue, le disciple peut mourir à soi, mourir vers le Père, mourir vers le frère, dans l’amour, et ressusciter à la vie filiale et fraternelle. « A ceci, on reconnaîtra que vous êtes mes disciples. »