Lc 5, 1-11
Appels multiples
Par le Père Pierre ABRY,
Les trois paroles de ce dimanche convergent sur chacun de nous comme en faisceau, faisant lumière sur l’appel du Seigneur. Avant tout, rendons-nous à l’évidence : nous avons été appelés à l’existence. Personne n’a demandé à exister ! C’est un fait, je suis là ! Au point que dans la souffrance, à l’image de Job, l’homme peut même maudire le jour qui l’a vu naître ! Cependant Jérémie rappelait, dimanche passé, que nous avons comme une préhistoire spirituelle : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les nations. » (Jr 1,5) Cet Amour qui nous précède, qui nous fait advenir à l’existence, qui nous fait être et nous maintient dans l’existence, cet Amour nous attend au terme de l’histoire. Mais surtout, cet Amour nous appelle au cœur même de notre histoire, il en appelle à notre liberté. Car sans libre consentement de l’aimé, même l’Amour serait prise d’otage et n’engendrerait qu’un comportement servile.
Isaïe, prêtre lié aux rites du temple de Jérusalem ; Paul, persécuteur captif de sa propre haine ; Pierre, pris aux filets de sa vie de pêcheur ; tous trois sont rejoints par l’Amour qui fait irruption dans leur histoire. Trois hommes déstabilisés, l’un dans la pratique religieuse qui fossilise l’amour de Dieu dans le culte ; l’autre qui le défigure dans sa certitude « engagée » ; le troisième qui vit le travail quotidien comme s’il n’existait pas. L’irruption de l’Amour de Dieu révèle l’homme à lui-même, déficient. Isaïe se découvre « homme aux lèvres impures », Paul persécuteur, Pierre pécheur… Mais l’appel purifie, libère et envoie.
Prêtre d’aujourd’hui ou chrétien cultuel qui en justifie l’office, à l’image d’Isaïe, tu es appelé à devenir prophète par ta vie entière. Comme Saul, idéologue persécuteur qui croit aux « valeurs », monsieur et madame « je sais tout », considère toi le dernier, « l’avorton » qui n’a pas commencé à penser. Deviens, par pure grâce, apôtre des païens, pris dans les filets de leurs sophismes, comme tu l’as été toi-même. Enfin, pauvre Pierre, carpe muette du labeur quotidien, pêcheur bredouille de ta subsistance au fil de l’eau des jours, tu es appelé à repêcher tes semblables du naufrage ! La vie ne nous est pas donnée simplement pour être vécue. Elle est appel, vocation ! « Qui enverrai-je ? » (Is 6,8) « Cet homme m’est un instrument de choix pour porter mon nom devant les nations païennes. » (Ac 9,15) « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras ! » (Lc 5,10)