Jn 17, 11-19 Mouvement ascensionnel Par le Père Pierre ABRY, Entre Ascension et Pentecôte, cet évangile nous saisit dans la grande prière sacerdotale de Jésus, élevée lors de la dernière Cène, « au moment de passer de ce monde à son Père. » Comme le grand prêtre au jour du Grand Pardon, le Yom Kippour, Jésus prie pour lui-même, ses disciples et ceux qui croiront à leur suite, avant de se « consacrer », de se « sanctifier », de s’offrir, prêtre et victime à la croix. L’Ascension du Christ, ressuscité en notre chair, fait entrer notre humanité assumée en Dieu. Désormais, l’homme peut demeurer en Dieu et Dieu en l’homme. Cette ouverture, ce passage, traverse les siècles et les générations, comme une Pâque éternelle, toujours offerte, toujours actuelle. « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi. » (Jn 12,32) Le monde aspire à l’ascension sociale. La force opérante de l’Esprit Saint, répandu à la Pentecôte, réalise notre ascension en Dieu, une élévation, une ascension dans l’être. De même, la prière sacerdotale de Jésus est son intercession actuelle et éternelle, pour les disciples de tout temps qui accueillent sa Parole. Jésus y affirme clairement qu’ils « n’appartiennent pas au monde, de même que lui n’appartient pas au monde. » Si de fait nous sommes en ce monde, nous ne lui appartenons pas. « Nous avons bel et bien été rachetés. » (1Co 6,20) Qui se vend au monde, comme Judas, vend le Christ. Être du monde, juger selon ses critères, agir selon ses manières, rechercher sa gloire plus que celle du Père, est la tentation de la mondanité dénoncée par le pape François. Elle conduit à vivre le monde selon le monde, pour soi-même et comme une fin en soi, dans l’accaparement avide qui s’illusionne de posséder pour jouir divinement. « De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. » Dans le monde, sans être du monde, nous y avons la mission du Fils : connaître le Père et le faire connaître, par notre vie filiale dans l’Esprit, et notre vie fraternelle dans l’amour. Reconnaître et accueillir notre vie et l’ensemble du créé, comme un don du Père, pour les faire remonter vers le Père, par Christ, avec Lui et en Lui, dans la force opérante de l’Esprit, en une reconnaissance filiale à la louange de sa gloire. L’eucharistie inaugurée au soir de la Cène est une unique eucharistie qui dure toujours, retournant en action de grâce au Père, toute grâce reçue de lui. Ainsi, la joie de Jésus devient la nôtre : « Pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés. » Qui se refuse au don et à la gratitude se ferme à la joie, et comme Judas, fils de perdition, sombre dans une tristesse qui conduit à la mort. |