Lc 6, 27-38
Amour certifié ISO 9001
Par le Père Pierre ABRY,
Le dit ‘Sermon sur la montagne’, situé par Luc dans la plaine, porte au cœur de l’expérience chrétienne. « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle grâce est la vôtre ? » « Que faites-vous d’extraordinaire ? » (Mt 5,47) « Car même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. » C’est donc que les pécheurs aiment, font du bien et prêtent ! Oui, sans aucun doute ! Mais ils aiment ceux qui les aiment, font du bien à ceux qui leur en font et prêtent à ceux dont ils espèrent recevoir. (Lc 6,32-34) Les pécheurs sont certifiés conformes aux normes standards ISO, communes à l’humanité entière. Ils agissent en ’iso-métrie’, dans la ‘même mesure’, pour le bien, comme d’ailleurs pour le mal qui n’est que le revers de la médaille : « Oeil pour œil, dent pour dent. » (Mt 5,38)
Parfois nous n’atteignons pas même « l’iso » de l’humanité, la mesure d’équité. Nous nous montrons souvent bien ingrats envers ceux qui nous ont aimés, comme des adolescents envers leurs parents ; démesurés en de froides vengeances, qui coûtent deux yeux pour un, dans l’escalade de la violence mimétique. Le Christ n’est-il pas « passé au milieu de nous faisant le bien, guérissant tous ceux qui étaient tombés au pouvoir du diable » ? (Ac 10,38) Comment l’avons-nous payé de retour ?
Si vous aimez conformément à l’ISO de la condition humaine ordinaire, « quelle est votre grâce » ? Qu’avez-vous fait « d’extraordinaire », de « perissos » ? L’adjectif grec com-pose les prépositions « peri », au-dessus, au-delà et « iso », égal. Qu’avez-vous fait, par pure grâce accueillie, au-delà de l’égale mesure, au-delà de la pauvreté de votre nature humaine, capable à grand-peine d’aimer ceux qui vous aiment ? Qu’avez-vous fait de surnaturel, au-delà de la nature, de l’ordre de la grâce ? « Mais je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous diffament… »
Là est le seuil où l’on commence à devenir chrétien, disciple du Christ qui a aimé ceux qui l’ont méprisé, rejeté, torturé et tué. Là se joue la filiation divine du baptisé, « fils du Très-Haut, qui est bon, Lui, pour les ingrats et les méchants. » En deçà, on est une créature aimée du Père, au-delà, un « fils bien-aimé en qui le Père a mis tout son amour. » (Mt 3,17) La « mesure tassée, secouée, débordante, qu’on versera dans votre sein » est le don de l’Esprit Saint, qui donne d’aimer à la démesure divine. A son regard, la sagesse isométrique de l’amour humain fait figure de folie. La démesure de cet amour qui est Dieu, la « folie de Dieu, est plus sage que les hommes. » 1Co 1,25)