Mc 1, 29-39
Foules et solitude
Par le Père Pierre ABRY,
Jésus non seulement « annonce l’Évangile de Dieu », il est lui-même la Bonne Nouvelle, l’avènement du Royaume de Dieu parmi les hommes. Avènement dans la liturgie de la synagogue de Capharnaüm, lorsque sa présence et son enseignement donné avec autorité démasquent, font taire et expulsent les démons qui en l’homme disent « savoir qui est Dieu ». Avènement du Royaume dans la famille de Simon Pierre lorsqu’après la liturgie synagogale, Jésus y passe le jour du sabbat. Ce septième jour, Dieu repose en sa création et veut la faire reposer en lui, la libérer, comme la belle-mère de Simon, de ses poussées de fièvre, activistes ou consuméristes. Avènement du Royaume, lorsque le soleil couché, le sabbat achevé, « on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons ». Il en guérit beaucoup et expulsa de nombreux démons.
Avènement du Royaume dans la liturgie, la famille, la guérison de l’homme, sont la partie visible de la personne de Jésus, totalement donné aux hommes et accueillant chacun. Mais l’essentiel échappe au grand public et même aux disciples. En effet, « le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait. » La simplicité de ce verset recèle la richesse du mystère caché du Christ : sa relation au Père. A l’aube du huitième jour, premier jour d’une nouvelle semaine, alors que tous dormaient encore, Jésus se retire pour se recevoir de son Père et se donner à lui. Irénée de Lyon résumera en une sentence lapidaire : « La Réalité invisible qu’on voyait dans le Fils était le Père, et la Réalité visible en laquelle on voyait le Père était le Fils. »
Des deux faces de l’icône du Christ, donné aux hommes et au Père, donné aux hommes parce que donné à son Père, la première est évidente ; la seconde n’est révélée par l’Esprit Saint qu’à celui qui entre dans cette même relation filiale. « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux » confiait le renard au Petit Prince.
Lorsque les disciples retrouveront Jésus « que tout le monde cherche », il dira : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti » – entendons « sorti du Père ». Au matin de Pâque, huitième jour du calendrier juif et premier jour d’une création nouvelle, les disciples chercheront encore le Maître qui a laissé vide le tombeau. Totalement livré aux hommes sur la croix, il s’est reçu pleinement du Père en sa résurrection, et envoie ses disciples annoncer l’Évangile au monde entier avec la même puissance libératrice.