Mc 3, 20-35
Impiété drapée de religion
Par le Père Pierre ABRY,
Quand Jésus « vient à la maison », en fait celle de Pierre à Capharnaüm, car « le Fils de l’homme n’a pas où reposer la tête » (Mt 8,20), la foule se presse à la porte, « si bien qu’on ne peut pas même manger son pain. » La renommée de ses miracles s’est répandue jusqu’à Nazareth, son village d’origine, et jusqu’à Jérusalem. Sa famille dans la chair, mais aussi sa famille religieuse, les scribes représentants du judaïsme se doivent d’affronter ce « problème Jésus ». Les uns veulent l’enlever car, « il a perdu la tête », il est hors de sens. Les autres veulent réduire au silence cet ennemi de la religion, « possédé par Béelzéboul, prince des démons. » Famille de chair ou de religion, on peut faire profession de foi tout étant si loin de Dieu, qu’on ne discerne plus sa présence et son œuvre, au point de déclarer folie la sagesse de Dieu, et mal le bien.
La famille de chair revient à la charge à la fin de l’évangile. Les cousins ont traîné Marie pour faire pression, mais ils essuient une fin de non recevoir : « Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? » « Ceux qui sont assis en cercle autour de lui », « ceux qui font la volonté de Dieu », sont pour le Christ un frère, une sœur, une mère. Celui qui à l’image de Marie accueille la Parole portée par un ange, un envoyé et y consent, celui-là devient mère du Christ engendré en lui dans la foi ; frère du Christ par la transformation de sa vie. Même du clan familial hostile, certains entreront dans la nouvelle famille des disciples, dont le cousin Jacques, dit « frère du Seigneur » (Ga 1,19), premier évêque de Jérusalem.
Si les liens et les oppositions de la chair peuvent être transcendés dans la foi, le péché des scribes contre l’Esprit est sans remède. « Tout sera pardonné aux enfants des hommes : leurs péchés et les blasphèmes qu’ils auront proférés. Mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il n’aura jamais de pardon. Il est coupable d’un péché pour toujours. » Comment l’Esprit Saint parviendrait-il encore à toucher un cœur endurci au point de déclarer satanique son œuvre d’amour ? Quel remède pour le malade rejetant le médicament comme un poison ? Cet évangile est donné à l’Église après la Pentecôte. Sans cesse l’Esprit suscite en elle des charismes divers et variés pour l’annonce de l’Évangile aux nations. En est-il un au fil des siècles qui n’ait été tout d’abord décrié, soupçonné, voire diabolisé ? C’est l’accueil ou le refus de la Parole qui opère le jugement. « Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. » (Jn 1,11-12)