Jn 10, 27-30
L’organe de la foi
Par le Père Pierre ABRY,
Merveilleuse unité des Évangiles des dimanches du temps pascal, par lesquels le Ressuscité façonne la foi des disciples ! Le deuxième, dit « de la miséricorde », présente Thomas, figure de notre incrédulité qui veut voir et toucher pour croire. Le troisième dévoile Pierre, idéaliste comme nous et pourtant si pauvre en amour réel du Seigneur. Jésus l’établit pasteur du troupeau, tout en lui demandant d’être de ses brebis : « Suis-moi ! » (Jn 21,19). Enfin, ce quatrième dimanche, dit « du Bon Pasteur » donne la clé : « Mes brebis écoutent ma voix ; je les connais ; elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle. » Vraiment, « heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29), sur la seule parole de pauvres pasteurs, qui font entendre la voix de l’unique Bon Pasteur qui donne Vie.
« La voix du Seigneur » qui traverse tout l’Ancien Testament a pris le timbre familier d’un homme de Galilée. L’appel à « suivre les commandements » est désormais invitation à suivre une personne, Jésus de Nazareth. « Shema Israël ! Écoute Israël ! » Plus que jamais, l’oreille est devenue l’organe de la foi ; l’ouïe, le sens de la foi. Le patriarche Isaac ne s’y serait pas trompé lorsque, n’y voyant plus, il transmettait la bénédiction à Jacob pensant toucher Ésaü. « Jacob s’approcha de son père Isaac, qui le tâta et dit : « La voix est celle de Jacob, mais les bras sont ceux d’Ésaü ! » Il ne le reconnut pas, car ses bras étaient velus comme ceux d’Ésaü son frère, et il le bénit. » (Gn 27,21-23) Voulant toucher, ressentir, expérimenter une présence sensible, tant se laissent fourvoyer par « Satan qui se déguise en ange de lumière » (2Co 11,14) plutôt que d’écouter le Bon Pasteur qui fait entendre sa voix, connaît ses brebis et parle à leur cœur.
Marie-Madeleine a été retournée à cette voix au timbre familier et aimant, à l’appel de son nom. Endolorie par la passion, son cœur veillait. « Voix de mon Bien-aimé qui frappe. Ouvre-moi ma sœur, mon amie, ma colombe, ma parfaite. » (Ct 5,2) La voix du Bon Pasteur frappe à la porte de l’oreille, pour que le cœur s’ouvre à l’accueil. Comme Pierre, nous sommes connus de celui qui nous aime, plus que nous ne nous connaissons nous-mêmes : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime. » (Jn 21,17) Cette voix au fond du cœur ne flatte, ni ne condamne. Elle appelle à accueillir dès à présent le don de la vie éternelle offerte. C’est là notre vocation : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. » (Jn 17,3) L’écoute de cette voix me donnera de connaître comme je suis connu, d’aimer comme je suis aimé, d’être qui je suis dans le dessein éternel du Père, ma vocation première.