Lc 20, 27-38
Sadducéens immortels Par le Père Pierre ABRY, La controverse de Jésus avec les sadducéens sur la résurrection, à partir de la loi du lévirat, peut sembler d’un autre âge, mais n’est-elle pas d’une actualité cuisante, même « cuissante » ? L’exemple de la femme ayant eu sept maris, alors exagéré pour les nécessités de l’argumentation, confine aujourd’hui la réalité des partenaires durables. Orgie antique ou moderne, toujours affleure la question du corps, insatiable car appelé à ressusciter. Ils sont nombreux aujourd’hui comme autrefois à nier sa résurrection : saducéens serviteurs assidus du temple consumériste moderne ; maçons n’ayant jamais tenu une truelle ; hédonistes pressant le corps comme un citron, jusqu’à l’ultime suc, avant de se jeter au compost ; dopés d’addictions qui ne sont pas piquées des vers, jusqu’à l’ultime piqure, overdose ou dose sédative, par peur des vers. Mais les plus sournois peut-être sont les croyants sadducéens, qui nient subtilement la résurrection car ils n’osent pas y croire, disant que le défunt continue à vivre dans leur cœur, leur pensée, leur souvenir. La question est là. Quel est l’achèvement ? Non pas la fin, mais la finalité, la continuation en un plein déploiement. La loi du lévirat prescrit au frère du défunt sans enfant, de prendre la veuve pour épouse, pour lui donner une descendance, afin que « son nom ne soit pas effacé d’Israël », que « son nom et sa maison soient relevés. » (Dt 25,6-9) Il s’agit donc bien de se perpétuer après la mort. Comment ? Par une descendance qui perpétue la mémoire. Mais dès la troisième génération, les souvenirs ne sont plus que des actes pour généalogistes. Aujourd’hui, dès la génération même, car un donneur de gamète ne laisse aucun souvenir. Allonger la vie, augmenter l’homme, se perpétuer, la question taraude chaque génération. En contraste à « ce monde-ci », le Christ en indique un autre déjà à l’œuvre. Dans « ce monde-là », l’homme n’est pas « semblable aux anges » qui sont sans corps, mais « égal aux anges », car il y est « fils de Dieu, étant héritier de la résurrection ». Le Ressuscité de Pâque n’est pas un ange. Il porte dans un corps les marques de son amour jusqu’à la Passion. « Ce monde-là » n’est pas une immortalité de l’âme, mais une parfaite participation de ce qui en l’homme est corporel, à ce qui en lui est spirituel ; une parfaite intégration de la personne en toutes ses dimensions. « Ce monde-là » est aussi divinisation, participation de l’homme à la vie même de Dieu. L’Écriture le laisse entendre nommant le Dieu Vivant, « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. » Pour avoir vécu dans l’Alliance avec le Vivant, ils en sont vivifiés. De « ce monde-là » l’union conjugale est le signe, et le célibat sacerdotal l’anticipation prophétique. |