Engendrements et généalogies Par le Père Pierre ABRY, Au seuil du mystère de la Nativité et de son déploiement, le dernier dimanche de l’avent ne sera qu’une glissade, le surlendemain, dans la célébration de Noël. L’octave de Noël, huit jours comme un unique jour de fête, nous fera gouter l’intimité de la Sainte famille de Nazareth, pour déboucher sur la solennité de Marie, Mère de Dieu qui ouvre l’année nouvelle. Celui qui naît sur la paille d’une crèche, s’inscrit dans une généalogie tant divine qu’humaine. L’évangéliste Luc remonte, par la filiation, les générations symboliques de Celui « qu’on croyait fils de Joseph », jusqu’à « Seth, fils d’Adam, fils de Dieu. » (Lc 3,23. 38) Ainsi en Jésus, nouvel Adam, véritable Fils de Dieu, commence une création nouvelle, la véritable filiation divine. Matthieu, qui nous accompagne en cette année liturgique, dans un mouvement descendant inverse, suit les engendrements, depuis Abraham, passant par David, jusqu’à « Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est engendré Jésus. » Le verbe engendrer, au passif pour Marie, signifie l’œuvre de l’Esprit Saint dans la Vierge consentante. Jésus est le véritable fils d’Abraham, l’enfant de la promesse qui nous est donné dans la foi. La généalogie de Matthieu mentionne quatre femmes païennes : Thamar, la cananéenne qui donna un fils à Juda en vertu d’une loi du lévirat curieusement appliquée (Gn 38) ; Rahab, la prostituée de Jéricho qui accueillit les éclaireurs d’Israël et confessa que « Yahwé est Dieu, dans les cieux et sur la terre » (Jos 2,11) ; Ruth, la moabite veuve, qui s’en retourna à Bethlehem avec sa belle mère, confessant « ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu » (Rt 1,16) ; enfin Bethsabée, femme adultère d’Urie le Hittite que David prit pour épouse. Voilà les quartiers de noblesse, la généalogie dans laquelle s’inscrit Jésus, fils de David, fils d’Abraham, fils d’Adam ; Celui que saint Jean, dans le prologue de son évangile, dit « engendré ni du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu, le Verbe fait chair, tourné de toute éternité vers le Père. » (Jn 1,13-14.18) Par sa naissance dans la paille de notre humanité, le Christ assume pleinement une généalogie. Par sa naissance en nos cœurs dans la foi, il assume nos généalogies, aussi troubles soient-elles. Il ouvre nos engendrements chargés et nos filiations manquées sur leur réelle origine et leur véritable achèvement. Il met à l’œuvre en celui qui croit une nouvelle naissance, germe d’une manière nouvelle d’être homme. « A tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu », « révélant le chemin vers le sein du Père. » (Jn 1,12. 18) Dans cet engendrement, Noël devient nouvelle naissance, et le nouvel an, gage d’une année vraiment nouvelle. |