Mc 9, 38-48
Dedans et dehors
Par le Père Pierre ABRY,
Parfois, les choses sont sens dessus dessous. Ce dimanche elles sont dedans dehors. Josué s’offusque de ce que Eldad et Medad aient part à l’Esprit qui est en Moïse et prophétisent hors de l’assemblée de la Tente de la Rencontre. L’apôtre Jean s’indigne de l’inconnu, n’appartenant pas au groupe des disciples, qui expulse des démons « dans le Nom de Jésus ». Il en est donc qui semblent du dehors et pourtant sont et agissent « dans le nom de Jésus » ou l’Esprit de prophétie de Moïse. D’autres à l’inverse semblent au dedans, membres du peuple d’Israël ou du groupe des disciples, mais par les démons qu’ils hébergent en leur coeur, sont bel et bien du dehors, causant même le scandale, la chute des plus petits du dedans. S’ils expulsent des démons, c’est au moyen du « Nom de Jésus », moyen indiqué par un simple datif en grec, et non pas « dans le nom de Jésus ».
Il ne suffit pas de dire : ‘Seigneur, Seigneur !’ pour être du Royaume des Cieux, encore faut-il faire « la volonté du Père qui est dans les cieux. Beaucoup me diront en ce Jour là : ‘Seigneur, Seigneur ! N’est-ce pas par ton Nom que nous avons prophétisé, et par ton Nom que nous avons chassé des démons, et par ton Nom que nous avons fait de nombreux miracles ? Je leur déclarerai : Jamais je ne vous ai connus ; éloignez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité ! » (Mt 7, 21-23) Au fil de l’histoire, des baptisés, qu’ils soient fidèles laïcs, prêtres, évêques ou papes, ont pu faire de grandes choses au nom de Jésus et par ce nom, tout en n’étant pas « dans le Nom de Jésus », devenant par là même une pierre d’achoppement sur le chemin des plus petits. Judas était bien dans les Douze et pourtant toujours dehors à tramer comment livrer Jésus. Il viendra au jour, sortant du cénacle lors de la Cène. « Il faisait nuit… », ajoutera laconiquement l’évangile, et quelle nuit !
« Père, garde-les dans ton Nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous. » (Jn 17,11) Être du dedans, n’est pas agir par le nom de Jésus, ou en son nom, mais être et agir « dans le Nom de Jésus », « le seul Nom par lequel nous puissions être sauvés. » (Ac 4,12) Être dans cette relation de disciple engage toute l’existence. Elle comporte une amputation de la main, du pied, de l’oeil, un renoncement à l’appréhension prédatrice, aux chemins qui ne sont pas ceux de Dieu, au regard de l’envie. L’amour se mesure à la capacité de renoncement. Aimer une femme, c’est renoncer à plus de trois milliards d’autres ! Et on serait disciple low cost, à moindre frais ? « Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! » (Nb 11,29)