13ème Dimanche Temps ordinaire Année C

Lc 9, 51-62

Appel radical

Par le Père Pierre ABRY,

        L’appel de l’évangile de ce dimanche et le calendrier pourraient donner à ce billet un tranchant très personnel que je réserverai cependant à la forme orale. C’est bien ce que nous devrions faire quotidiennement, le lien entre l’Évangile et notre histoire, car alors la Parole parle et se fait chair ! Le 28 juin, cela fera 30 ans que, par le sacrement de l’ordre, le Seigneur m’a ordonné à son service et celui des frères. Si, par la pauvreté de ma réponse, l’ordre conféré avait créé du désordre dans son corps ecclésial, consolons- nous d’être disciples du Seul capable de tirer de la mort la vie. Quand même tout espoir serait perdu, l’espérance demeure, rend tout possible, plus encore, sauve !

        Jésus ne tergiverse pas quant à sa vocation. « Le visage déterminé, il prend résolument la route de Jérusalem » pour y accomplir la volonté du Père. En chemin, après un refus, trois rencontres, triptyque du cœur tortueux de l’homme devant l’appel à devenir disciple. Le premier, de sa propre initiative veut suivre Jésus. Mais, « ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis… » (Jn 15,16) Le deuxième, appelé à suivre, pose des préliminaires à une réponse positive. Le troisième enfin, synthèse des précédents, déclare vouloir suivre Jésus, tout en niant dans les faits ce qu’il vient de dire, par les conditions posées. « Mais d’abord, permets-moi de … » Toute la duplicité humaine réside en ces « mais » qui démentent, et ces « d’abord » qui, plus qu’à la seconde place, relèguent au dernier rang. Lorsqu’il s’agit de réalités aussi essentielles que Dieu ou l’amour, le « mais » n’introduit pas une nuance, mais signe la négation ; le « d’abord », en surclassant l’éphémère, disqualifie l’absolu. En reléguant l’absolu au second plan, on ne le déclasse pas, on le disqualifie. L’amoureux qui dirait : « Je t’aime, mais… » consommerait par là même la rupture ! Se dire « croyant, mais non pratiquant » relève de la même ineptie qui habille bien mal la lâcheté. Les Samaritains ont au moins eu la rectitude de refuser ouvertement Jésus.

        N’en déplaise à un monde relativiste en dilution dans l’informe, il y a pour son salut, dans l’évangile, un appel radical et intégral qui ne s‘accommode pas de la tiédeur. Radical, car il touche à la radix, la racine de l’être, sans s’apparenter aucunement à un quelconque fanatisme. Intégral, car il concerne l’intégralité de la personne et de la vie, loin de tout intégrisme. Appel radical et intégral, car « Dieu est Dieu, nom de Dieu ! » comme s’exclamait Maurice Clavel, marxiste converti au Christ après mai 68. Cet appel n’est pas une exigence imposée de l’extérieur. Il conduit sur un chemin d’unification progressive qui répond à l’intégrité et à la dignité profonde de la personne humaine.