Baptême du Seigneur Année C

Lc 3, 15-22

Sous forme corporelle

Par le Père Pierre ABRY,

    Les temps sont à la caricature, qu’elle défigure la réalité au crayon, ou parodie la pensée en slogans. « L’assassin qui court toujours », affublé de pauvres symboles religieux comme de potentiels pains d’explosif, un triangle bien baroque sur la tête, illustre ce pitoyable état de fait. En ces temps caricaturaux, gardons-nous de réduire l’évangile du baptême du Seigneur à une image d’Épinal, faisant de l’Esprit Saint un pigeon, ou le dindon de la farce!

    Dans l’Ancien Testament, la colombe n’est pas symbole de l’Esprit Saint, mais particulièrement dans le Cantique des Cantiques, elle figure Israël, peuple épousé, élu entre tous pour devenir la Bien-Aimée de son Seigneur dans l’Alliance : « Ma colombe, cachée au creux des rochers, en des retraites escarpées, montre-moi ton visage, fais-moi entendre ta voix. » (Ct 2,14) Elle avait fait entendre son gémissement lors de la sortie d’Égypte et le Seigneur l’avait arrachée au faucon, aux griffes de Pharaon. A Moïse qui demandait sur le Sinaï à voir la face du Seigneur, une place avait été préparée « dans la fente du rocher ». (Ex 33,22) « … Et ce rocher, c’était le Christ » interprète saint Paul (1Co 10,4).

    Le Christ, notre rocher, offre ce creux, son côté transpercé, d’où jaillissent l’eau et le sang. Cette fente dans le Rocher est le lieu préparé à la Colombe, l’Église. Comme Moïse, il nous est donné d’y voir la gloire du Père, dans sa miséricorde : « Tu verras mon dos » (Ex 33,23), ma miséricorde ; tu me verras dans mon passage, dans ma Pâque.

    Dès lors, l’évangile de ce dimanche s’éclaire d’une lumière nouvelle. « L’Esprit Saint descendit sur Jésus, par une forme corporelle, comme une colombe, et il y eut une voix venant du ciel : Tu es mon fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. » (Lc 3,22)

    Dans ce baptême qui inaugure son ministère public, Jésus reçoit donc de l’Esprit Saint sa forme corporelle achevée. Au Jourdain commence l’engendrement de la véritable humanité du Christ, Lui et nous en une seule chair, en un seul esprit ; le Bien-Aimé uni à sa Colombe. Le Corps du Christ n’est pas celui d’un nourrisson dans une crèche, ni même celui de l’adulte sillonnant la Galilée. Tout cela n’est que transitoire. Sa forme corporelle achevée, le Seigneur la reçoit de l’Esprit Saint, comme la Colombe, l’Église qui lui est engendrée par le baptême. Comme au temps de Noé, la colombe annonce une humanité nouvelle qui renaît des eaux, à partir de l’arche ecclésiale.