Dimanche du Saint-Sacrement Année B

Mc 14, 12-16. 22-26

Le premier pas

Par le Père Pierre Abry,

        Nos traductions liturgiques lissent les aspérités du texte biblique, pour en faciliter la compréhension. Mais mieux vaudrait trébucher sur la parole et être stimulé à en chercher le sens, que de penser avoir compris une lecture épurée, sans rien chercher de plus, et rester avec ce qu’on croit savoir sans en vivre.

        Lors de la première alliance, scellée au Sinaï dans le sang de taureaux sacrifiés, le peuple répond à la proclamation du livre de l’Alliance selon la traduction liturgique : « Tout ce que le Seigneur a dit nous le mettrons en pratique, nous y obéirons. » Mais l’hébreu dit : « nous le ferons, nous le comprendrons. » En entrant ainsi dans l’Alliance, Israël renverse l’ordre déchu : « Nous commencerons par faire ce que dit le Seigneur, et ce faisant, nous comprendrons. »

        Du vieil Adam à l’homme moderne, tous exigent de comprendre avant de faire. C’est peut-être pour cela que si peu se fait… Comment comprendre la paternité avant d’avoir été père et fils auparavant ? Lorsque tu décides de faire, s’ouvre en toi et pour toi, la possibilité que cela advienne, et que la grâce le fasse advenir, car de toi-même tu ne peux rien. Mais si tu postules que c’est impossible, de fait tu te refuses au possible, et rien ne pourra jamais advenir ! Il y a toujours un premier pas à faire, incertain, dans l’inconnaissance.

        Scellant l’Alliance nouvelle et éternelle dans son corps livré et son sang répandu, Jésus envoie deux disciples préparer la Pâque. « Vous trouverez, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » Curieusement, tout est prêt, mais il faut faire les préparatifs… Dans cette nuit où est institué le Saint-Sacrement, les disciples ne comprennent rien. A Pierre qui se refuse au lavement des pieds, Jésus dit : « Ce que je fais tu ne le comprends pas à présent ; par la suite tu comprendras. » (Jn 13,7) Puis à tous : « J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le comprendre à présent… L’Esprit de vérité vous introduira dans la vérité tout entière. » (Jn 16,12)

        Avant de comprendre, Jésus commande aux disciples de faire : « Faites ceci en mémoire de moi. » Il entend la liturgie eucharistique, actualisation de sa donation totale pour la rémission des péchés. Il entend tout autant la capacité que ce « pain de l’homme en route » alimente en nous, pour nous donner de la même manière. Tout est accompli, tout est donné, tout est prêt, pour la célébration, comme pour l’action ; il ne reste que notre premier pas à faire dans l’Alliance, sans prétendre comprendre avant. Alors, « Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir » réalisera son œuvre.