Lc 1, 57-66
Que sera donc cet enfant ?
Par le Père Pierre ABRY,
Si les saints sont fêtés au jour de leur mort, dies natalis, jour de naissance à la vie éternelle, de Jean Baptiste seul nous célébrons la nativité en ce monde, comme de Jésus et de Marie. Cette solennité tombe cette année un dimanche, et prime même sur la célébration habituelle de la résurrection, le Jour du Seigneur ! C’est que la naissance du Baptiste, précédant de six mois celle du Seigneur (Lc 1,36) est le seuil qui ouvre l’Ancien Testament sur le Nouveau, la vétusté de la lettre à la nouveauté de l’Esprit (Rm 7,6), l’humanité stérile et vieillissante à la fécondité et la jeunesse de l’Esprit Saint. Ce seuil de la nouveauté, préparé depuis les temps anciens, se donne en chacune de nos vies comme une nativité. « Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l’Esprit est esprit » (Jn 3,6)
« Que sera donc cet enfant ? » se demande l’entourage au jour de la circoncision, qui pourtant signe son appartenance au Peuple de l’Alliance. Comment l’appeler ? A quel nom répondra-t-il ? Et toi, lecteur, qui es-tu ? Comment t’appelle-t-on ? A quel appel réponds-tu ? La famille veut l’appeler du nom du père, le « patro-nyme », le nom de famille. Mais ni l’insertion dans un peuple par la circoncision ou le baptême, ni l’appartenance à un clan familial ne définissent la personne dans son unicité, son absolue nouveauté.
On commence par nous donner un « pré-nom » qui dit bien que ce n’est pas encore notre véritable nom. Nous portons un « nom de famille », parfois lourd à assumer. Nous sommes affublés d’un « sur-nom », nom au-dessus du nom, un bien « petit nom », souvent plus lourd encore. Dans les discours des autres, nous sommes au mieux un « pro-nom » soit-disant personnel, au pire un « dé-nommé », un « sans-nom » untel. Nous travaillons dans l’ombre, « ano-nymes », à notre « re-nommée », usant de « pseudo-nymes », nourrissant l’espoir d’être « nominés » à je ne sais quels oscars, pour finir dans une « nomen-clature » administrative funéraire. Mais alors qui suis-je ? Quel est mon véritable nom ?
La mère projette : « Il s’appellera Jean. » Le père tranche : « Jean est son nom », nom annoncé par l’ange avant même sa conception (Lc 1,13). Mais que sera cet enfant, quel sera son véritable nom ? Son véritable nom est celui par lequel il est appelé du Seigneur, sa vocation : le Baptiste. « Au vainqueur, je donnerai un caillou blanc, portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hormis qui le reçoit. » (Ap 1,17) Dans la réponse à l’appel du Seigneur est ton identité et ton nom véritable. Là est ta nativité en ce monde et dans l’autre.