Ac 2, 1-11 Pentecôte, l’anti-Babel Par le Père Pierre ABRY, L’effusion de l’Esprit sur les Apôtres, notre monde et la Pentecôte que le Seigneur y réalise, prennent sens à la lumière du récit de la tour de Babel. Dans leur déplacement, leur cheminement dans l’histoire, les hommes se détournèrent de l’orient, du Soleil Levant, pour s’installer et s’établir dans la plaine de Shinéar, y « construire une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux. » (Gn 11,4) Belle image de la mondialisation heureuse prêchée et mise en œuvre à marche forcée ces dernières décennies. Toute grande ville a sa « city » et ses « skyscrapers », tours vertigineuses à la démesure de l’orgueil humain, gratte-ciels qui finissent par l’irriter. L’homme y perd le sens, il est littéralement « dés-orienté ». Il n’y vit plus en pèlerin cheminant, mais en installé stagnant, exposé à la corruption comme une eau croupie. La prétention à atteindre des « sommets qui pénètrent les cieux » a établi l’enfer sur terre, Babel, « la confusion », l’indistinction. On « se sert des mêmes mots », mais « le langage est confondu, on ne s’entend plus les uns les autres. » Les mots ne recouvrent plus la réalité. La réalité n’a plus de consistance. Tout est affaire d’opinion et chacune se vaut. A la parole impossible, se substitue la communication, qui affirme tout et son contraire, dans le seul but d’infléchir le cours des choses dans un sens voulu. La sincérité se substitue à la vérité et l’homme devient un idiot utile, confiné sans « i » à la fin. « Un diner de cons » planétaire laisse sur son seuil des millions de Lazare pour jouir sans entrave de la comédie. Le psalmiste ne peut que gémir : « La loyauté a disparu chez les hommes. Entre eux la parole est mensonge, cœur double, lèvres menteuses. » (Ps 11,3) A Pentecôte vient le Paraclet, envoyé d’auprès du Père, l’Esprit de vérité, qui rend témoignage au Christ (Jn 15,26). A leur tour les Apôtres témoignent et « chacun les entend proclamer dans sa propre langue les merveilles de Dieu. » (Ac 2,11) Toutes les langues sont parlées, mais c’est un même et unique langage que tous entendent et même voient, comme langues d’un même feu. Ce langage unique sort du cœur et va droit au cœur, pour dire la merveille de l’amour de Dieu, la beauté de l’amour des frères. Le Seigneur veut insuffler ce Souffle de Vie au cœur des disciples et faire une création nouvelle en notre Babel moderne et virale à bout de souffle. Alors que les uns s’étouffent sous respirateur, d’autres ne manquent pas d’air ou prennent même de grands airs. Les premiers symptômes sont bénins : fièvre, perte du goût et de l’odorat, entendons activité fébrile, perte du sens et de la saveur de la vie. Cela s’achève dans une mort sans nom et sans mots, absorbée en chiffres et courbes statistiques. Viens Esprit créateur, souffle vivifiant, hôte de nos âmes, adoucissante fraicheur ; dans le labeur, le repos ; dans la fièvre, la fraicheur ; dans les pleurs, le réconfort… |