Mc 7, 31-37
Ephata ! Ouvre-toi !
Par le Père Pierre ABRY,
« Elles ont une bouche et ne parlent pas… des oreilles et n’entendent pas… pas un son ne sort de leur gosier ! » (Ps 113B,5-7) Le psaume ne vise pas le sourd-muet de l’évangile, mais les idoles fabriquées de main d’homme. Il conclut cependant : « Ils deviennent comme elles, tous ceux qui les font, ceux qui mettent leur foi en elles. » L’idolâtre en devient donc sourd-muet.
As-tu entendu le Seigneur te parler cette semaine ? Le langage de la création parée pour l’arrière-saison ne te dit rien ? La parole de l’évangile te laisse insensible, ou ne réussi pas même à se frayer un chemin dans le taillis de ton agenda ? Les événements dont chacun est parole de Dieu ne te sont qu’un brouhaha inaudible ? Tu n’as pas même entendu le désir profond de ton être, tout occupé à satisfaire tes seules envies ? Sourd à la Parole multiforme, tu n’as rien à annoncer. « Que ma langue s’attache à mon palais, si je perds ton souvenir ! » (Ps 136,6) Le nom de Dieu et la confession de sa gloire ne montent pas à tes lèvres, car « la bouche parle du trop-plein du cœur. » (Lc 6,45)
Moïse aussi était bègue, « sa langue était pesante » (Ex 4,10) Et pourquoi donc ? Car éduqué au pays des idoles, dans leur culte et leur culture à la cour de pharaon. Un midrash dit qu’à l’âge adulte, il sut appartenir au peuple saint en entendant les chants hébreux, les mêmes que fredonnait sa mère en l’allaitant. Conduit à l’écart dans le Sinaï, son oreille s’ouvrit à l’appel du Dieu vivant, pour annoncer au peuple sa Pâque, pour ouvrir l’esclavage de l’Égypte sur la liberté de l’alliance et la Terre promise.
Jésus n’est pas un Harry Potter des temps anciens qui, prononçant un « ephata » comme un « abracadabra » s’attirerait des foules en peine de prodiges. Que serait la guérison d’un sourd-muet au regard d’une humanité entière sourde à l’amour de Dieu depuis Adam ! C’est bien nous tous, assourdis par l’idolâtrie de ce monde et de nous-mêmes qui sommes visés et rejoints par cette guérison. Nous avons été « amenés à Jésus » et l’« Ephata, ouvre-toi » a été prononcé sur nous au jour du baptême. Ouvre-toi au Père, à sa parole qui est le Christ. Il soupire en toi vers le Père. Laisse « le doigt de la droite du Père », l’Esprit créateur opérer son toucher à la racine de ton être.
L’année pastorale s’ouvre au calendrier. Pour qu’elle soit une réelle ouverture, le Seigneur nous travaille, à la fois dans la foule et à l’écart. Il ouvre notre écoute à la Parole, pour que nos lèvres proclament, dans l’assemblée des frères, son œuvre réalisée au plus intime des cœurs .